Jour 28

 

[…] Nous préparons ce que nous voulons te donner mon Lou…

Nous préparons ce que tu vas amener avec toi.

Un peu dans la précipitation. Il faut se rendre ce matin au funérarium à Bayonne où tu reposes depuis 20 jours maintenant. 20 jours à te savoir là. C’est aujourd’hui qu’il faut procéder à la mise en bière. Que ton cercueil doit être fermé. Cet après-midi. J’écris ces lignes, comme les précédentes, alors que presque trois ans nous séparent de cet instant. Jamais je n’ai pu écrire sur ces «images» qui m’ont hanté jusqu’à aujourd’hui encore. Mais je suis là à Vieux-Boucau avec toi, en cet instant, et c’est toi mon Lou qui me donne la force de raconter…

Tu vas partir avec le doudou de Gengis. Pour la douceur infini qu’il dégage. Parce que c’est celui de ton petit frère. Et parce qu’il ressemble aussi au tien.

Ton doudou, je l’ai gardé avec moi. Tu vas partir avec mon foulard bleu avec ses toutes petites étoiles pour te réchauffer. Avec l’écharpe cambodgienne de papa et ta coque de téléphone qui représente la terre que mamé t’avait offerte quelques jours avant ton départ. Et ce sac de la Sorbonne. Avec cette inscription : « Sorbonne Universités, Ici et partout sur la terre ». Parce que ce message te correspond si bien mon Lou, toi qui adorais et qui étais si fier de ta vie à la Sorbonne.

 

C’est dans ce même petit sac de la Sorbonne que Pénélope avait glissé quelques vêtements pour toi, rapportés de ton studio à Paris.

Car en temps normal, on choisi et on revêt le défunt des habits qui le représentent le mieux, qu’il aimait le plus. Et j’aime à croire que tu vas partir dans des habits que tu avais choisis et achetés. Je serre dans mes bras ce petit sac avec tes vêtements, je suis dans la voiture avec mes parents. Ils n’ont pas voulu me laisser aller seule au funérarium. Je descends de la voiture et je rentre dans ce grand hall. Ce petit sac serré contre ma poitrine, accroché à mon cœur. Mais qu’est ce que je peux bien faire là ? Cette situation est irréelle. Je sais mon Lou allongé tout près dans un de ces grands frigos de la morgue. Faire abstraction immédiatement de cela sinon je ne pourrais pas faire un pas de plus. L’homme à l’accueil m’interpelle. Je m’approche du comptoir. Je me présente et immédiatement il pousse devant moi un paquet. Dans ce paquet, qu’il vient d’ouvrir quelques minutes avant, il y a un courrier qu’il me tend sans l’avoir ouvert. Je ne comprends pas du tout de quoi il s’agit mais je commence la lecture. C’est un courrier de Lauren adressé au personnel du funérarium. Elle explique que se trouve à l’intérieur du paquet un grand linceul blanc, un très grand linceul blanc. Elle termine son courrier en spécifiant à l’attention des personnes du funérarium, de ne pas me dire que Lou ne pourra pas partir avec ses vêtements. De ne pas me parler du linceul. De rien détailler pour me protéger de ces visions d’horreur. En une seconde je suis envahie par la terreur. Je m’étais laissée bercer par l’idée que tu serais si beau dans tes habits Carhatt que tu aimais, mais non mon Lou c’est dans un grand linceul blanc que tu vas partir. J’avais occulté,  inconsciemment ou consciemment je ne sais pas, que les 11 jours que tu as passés dans l’océan, dans l’eau salée, au-delà de la vague qui t’a emporté, t’avaient changé. J’allais dire «monstrueusement» changé. Mais non mon Lou, je te sais toujours aussi beau…

Tes derniers «préparatifs» ont lieu cet après-midi. Aurais-je le courage de venir te voir une dernière fois, allongé dans ton cercueil. Non. Définitivement non. Je crois que cela m’est impossible. Mais est-ce que je regretterai cette décision dans quelques jours, dans quelques mois ou quelques années ? Est-ce que je vais regretter et culpabiliser de ne pas avoir voulu passer ces derniers instants avec toi ? Non. Catégoriquement non. J’assume ce choix, pleinement. Mais il n’est pas possible que tu partes sans que quelqu’un te fasse un dernier baiser, même recouvert de ce grand linceul. Impossible d’imaginer te laisser partir seul. Alors, c’est ton oncle et parrain, Christian, qui est venu pour ces derniers instants avec toi. Il s’est immédiatement proposé, cela lui semblait une évidence. Je sais ton immense affection pour Christian. Vous qui étiez si proches. Il est resté avec toi. Il a discuté avec toi. Je lui ai dit de te dire que je t’aime…

Jamais je ne pourrai oublier ces instants. J’étais dehors, avec Sabine, ma sœur, sur le parking du funérarium. J’essayais de visualiser chaque seconde. De ce moment où Christian s’approche de toi. Te regarde. Te parle. Ma reconnaissance envers Christian d’avoir passé ces instants avec toi mon Lou est infinie. C’est sous son regard et ses bras protecteurs que tu es parti. Que le cercueil s’est refermé sur ta vie.

Jour 28

 

[…] Nous préparons ce que nous voulons te donner mon Lou…

Nous préparons ce que tu vas amener avec toi.

Un peu dans la précipitation. Il faut se rendre ce matin au funérarium à Bayonne où tu reposes depuis 20 jours maintenant. 20 jours à te savoir là. C’est aujourd’hui qu’il faut procéder à la mise en bière. Que ton cercueil doit être fermé. Cet après-midi. J’écris ces lignes, comme les précédentes, alors que presque trois ans nous séparent de cet instant. Jamais je n’ai pu écrire sur ces «images» qui m’ont hanté jusqu’à aujourd’hui encore. Mais je suis là à Vieux-Boucau avec toi, en cet instant, et c’est toi mon Lou qui me donne la force de raconter…

Tu vas partir avec le doudou de Gengis. Pour la douceur infini qu’il dégage. Parce que c’est celui de ton petit frère. Et parce qu’il ressemble aussi au tien.

Ton doudou, je l’ai gardé avec moi. Tu vas partir avec mon foulard bleu avec ses toutes petites étoiles pour te réchauffer. Avec l’écharpe cambodgienne de papa et ta coque de téléphone qui représente la terre que mamé t’avait offerte quelques jours avant ton départ. Et ce sac de la Sorbonne. Avec cette inscription : « Sorbonne Universités, Ici et partout sur la terre ». Parce que ce message te correspond si bien mon Lou, toi qui adorais et qui étais si fier de ta vie à la Sorbonne.

C’est dans ce même petit sac de la Sorbonne que Pénélope avait glissé quelques vêtements pour toi, rapportés de ton studio à Paris.

Car en temps normal, on choisi et on revêt le défunt des habits qui le représentent le mieux, qu’il aimait le plus. Et j’aime à croire que tu vas partir dans des habits que tu avais choisis et achetés. Je serre dans mes bras ce petit sac avec tes vêtements, je suis dans la voiture avec mes parents. Ils n’ont pas voulu me laisser aller seule au funérarium. Je descends de la voiture et je rentre dans ce grand hall. Ce petit sac serré contre ma poitrine, accroché à mon cœur. Mais qu’est ce que je peux bien faire là ? Cette situation est irréelle. Je sais mon Lou allongé tout près dans un de ces grands frigos de la morgue. Faire abstraction immédiatement de cela sinon je ne pourrais pas faire un pas de plus. L’homme à l’accueil m’interpelle. Je m’approche du comptoir. Je me présente et immédiatement il pousse devant moi un paquet. Dans ce paquet, qu’il vient d’ouvrir quelques minutes avant, il y a un courrier qu’il me tend sans l’avoir ouvert. Je ne comprends pas du tout de quoi il s’agit mais je commence la lecture. C’est un courrier de Lauren adressé au personnel du funérarium. Elle explique que se trouve à l’intérieur du paquet un grand linceul blanc, un très grand linceul blanc. Elle termine son courrier en spécifiant à l’attention des personnes du funérarium, de ne pas me dire que Lou ne pourra pas partir avec ses vêtements. De ne pas me parler du linceul. De rien détailler pour me protéger de ces visions d’horreur. En une seconde je suis envahie par la terreur. Je m’étais laissée bercer par l’idée que tu serais si beau dans tes habits Carhatt que tu aimais, mais non mon Lou c’est dans un grand linceul blanc que tu vas partir. J’avais occulté,  inconsciemment ou consciemment je ne sais pas, que les 11 jours que tu as passés dans l’océan, dans l’eau salée, au-delà de la vague qui t’a emporté, t’avaient changé. J’allais dire «monstrueusement» changé. Mais non mon Lou, je te sais toujours aussi beau…

Les derniers préparatifs ont lieu cet après-midi. Aurais-je le courage de venir te voir une dernière fois, allongé dans ton cercueil. Non. Définitivement non. Je crois que cela m’est impossible. Mais il n’est pas possible que tu partes sans que quelqu’un te fasse un dernier baiser, même recouvert de ce grand linceul. Impossible d’imaginer te laisser partir seul. Alors, c’est ton oncle et parrain, Christian, qui est venu pour ces derniers instants avec toi. Il s’est immédiatement proposé, cela lui semblait une évidence. Je sais ton immense affection pour Christian. Vous qui étiez si proches. Il est resté avec toi. Il a discuté avec toi. Je lui ai dit de te dire que je t’aime…

Jamais je ne pourrai oublier ces instants. J’étais dehors, avec Sabine, sur le parking du funérarium. J’essayais de visualiser chaque seconde. De ce moment où Christian s’approche de toi. Te regarde. Te parle. Ma reconnaissance envers Christian d’avoir passé ces instants avec toi mon Lou est infinie. C’est sous son regard et ses bras protecteurs que tu es parti. Que le cercueil s’est refermé sur ta vie.