Propos liminaire
Jour 1096
Jour 28
Jour 393
Jour 1310
Jour 1096
Désormais, il va falloir apprendre à vivre avec. Avec les 26 octobre.
On y pense plusieurs jours avant. Avec une angoisse qui monte pour atteindre son paroxysme le jour fatidique. Dès le réveil. A chaque fois il me semble qu’il me sera impossible de supporter et de vivre encore et encore ce jour « anniversaire ». Ce terme, symbole de joie et de fête en temps normal, perd tout son sens dans ce contexte. Synonyme de désespoir lors des premiers, et de profonde tristesse les années suivantes. Mon objectif serait de rendre ces futurs anniversaires sereins. Teintés du souvenir des doux moments de cette vie qui n’est plus. Il faut arriver à passer, à traverser cet état. Décision, s’il en est, si intime. Si personnelle. Mais c’est un choix. Et chacun est maître de ses choix. Certains cèdent, peut-être, au-delà de leurs propres convictions, aux conventions sociales. Emprisonnés par ce que les autres pourraient penser d’eux si jamais on les surprenait à rire, à s’amuser, en ce funeste jour anniversaire. Il faut balayer tout cela. Et s’affranchir de la pression sociale, réelle ou supposée […]
Jour 1096
Désormais, il va falloir apprendre à vivre avec. Avec les 26 octobre.
On y pense plusieurs jours avant. Avec une angoisse qui monte pour atteindre son paroxysme le jour fatidique. Dès le réveil. A chaque fois il me semble qu’il me sera impossible de supporter et de vivre encore et encore ce jour « anniversaire ». Ce terme, symbole de joie et de fête en temps normal, perd tout son sens dans ce contexte. Synonyme de désespoir lors des premiers, et de profonde tristesse les années suivantes. Mon objectif serait de rendre ces futurs anniversaires sereins. Teintés du souvenir des doux moments de cette vie qui n’est plus. Il faut arriver à passer, à traverser cet état. Décision, s’il en est, si intime. Si personnelle. Mais c’est un choix. Et chacun est maître de ses choix. Certains cèdent, peut-être, au-delà de leurs propres convictions, aux conventions sociales. Emprisonnés par ce que les autres pourraient penser d’eux si jamais on les surprenait à rire, à s’amuser, en ce funeste jour anniversaire. Il faut balayer tout cela. Et s’affranchir de la pression sociale, réelle ou supposée […]
Jour 28
Nous préparons ce que nous voulons te donner mon Lou…
Nous préparons ce que tu vas amener avec toi.
Un peu dans la précipitation. Il faut se rendre ce matin au funérarium à Bayonne où tu reposes depuis 20 jours maintenant. 20 jours à te savoir là. C’est aujourd’hui qu’il faut procéder à la mise en bière. Que ton cercueil doit être fermé. Cet après-midi. J’écris ces lignes, comme les précédentes, alors que presque trois ans nous séparent de cet instant. Jamais je n’ai pu écrire sur ces «images» qui m’ont hanté jusqu’à aujourd’hui encore. Mais je suis là à Vieux-Boucau avec toi, en cet instant, et c’est toi mon Lou qui me donne la force de raconter…
Tu vas partir avec le doudou de Gengis. Pour la douceur infini qu’il dégage. Parce que c’est celui de ton petit frère. Et parce qu’il ressemble aussi au tien.
Ton doudou, je l’ai gardé avec moi. Tu vas partir avec mon foulard bleu avec ses toutes petites étoiles pour te réchauffer. Avec l’écharpe cambodgienne de Noël et ta coque de téléphone qui représente la terre que mamé t’avait offerte quelques jours avant ton départ. Et ce sac de la Sorbonne. Avec cette inscription : « Sorbonne Universités, Ici et partout sur la terre ». Parce que ce message te correspond si bien mon Lou, toi qui adorais et qui étais si fier de ta vie à la Sorbonne.
C’est dans ce même petit sac de la Sorbonne que Pénélope avait glissé quelques vêtements pour toi, rapportés de ton studio à Paris […]
Jour 28
Nous préparons ce que nous voulons te donner mon Lou…
Nous préparons ce que tu vas amener avec toi.
Un peu dans la précipitation. Il faut se rendre ce matin au funérarium à Bayonne où tu reposes depuis 20 jours maintenant. 20 jours à te savoir là. C’est aujourd’hui qu’il faut procéder à la mise en bière. Que ton cercueil doit être fermé. Cet après-midi. J’écris ces lignes, comme les précédentes, alors que presque trois ans nous séparent de cet instant. Jamais je n’ai pu écrire sur ces «images» qui m’ont hanté jusqu’à aujourd’hui encore. Mais je suis là à Vieux-Boucau avec toi, en cet instant, et c’est toi mon Lou qui me donne la force de raconter…
Tu vas partir avec le doudou de Gengis. Pour la douceur infini qu’il dégage. Parce que c’est celui de ton petit frère. Et parce qu’il ressemble aussi au tien.
Ton doudou, je l’ai gardé avec moi. Tu vas partir avec mon foulard bleu avec ses toutes petites étoiles pour te réchauffer. Avec l’écharpe cambodgienne de Noël et ta coque de téléphone qui représente la terre que mamé t’avait offerte quelques jours avant ton départ. Et ce sac de la Sorbonne. Avec cette inscription : « Sorbonne Universités, Ici et partout sur la terre ». Parce que ce message te correspond si bien mon Lou, toi qui adorais et qui étais si fier de ta vie à la Sorbonne.
C’est dans ce même petit sac de la Sorbonne que Pénélope avait glissé quelques vêtements pour toi, rapportés de ton studio à Paris […]
Jour 393
La secrétaire du crématorium du Père-Lachaise nous a contactés. Cela fait presque un an jour pour jour que tu es là. Au Père-Lachaise. Tu ne peux rester plus longtemps. La loi est ainsi faite. Une année. C’est le temps nécessaire pour se faire à l’idée que tu existes encore aujourd’hui. Que tu existes sous forme de cendres. Ce mot-là est encore incompréhensible. Imprononçable.
Le rendez-vous est pris. Ce sera le 20 novembre. Si nous ne nous étions pas manifestés, tes cendres auraient été répandues dans le jardin du souvenir du Père-Lachaise. Inimaginable.
Nous patientons dans une salle ouverte. Quelques chaises en plastique, alignées, de couleur marron assez moche. Très moche même. Comme ce lieu. Une table basse avec quelques revues. Qui pourrait bien avoir l’idée de feuilleter une revue en de tels instants. Mais après tout… pourquoi pas. Devant nous, des familles, des amis, attendent la cérémonie de crémation d’un proche. Étrange contraste. Je les regarde et je ne peux m’empêcher d’essayer d’imager de qui ils ont été séparés. Un enfant ? Non. Les visages sont graves mais certains esquissent des sourires, se tapent dans le dos, s’embrassent chaleureusement mais sans effusion. Cela ne peut être un enfant. […]
Jour 393
La secrétaire du crématorium du Père-Lachaise nous a contactés. Cela fait presque un an jour pour jour que tu es là. Au Père-Lachaise. Tu ne peux rester plus longtemps. La loi est ainsi faite. Une année. C’est le temps nécessaire pour se faire à l’idée que tu existes encore aujourd’hui. Que tu existes sous forme de cendres. Ce mot-là est encore incompréhensible. Imprononçable.
Le rendez-vous est pris. Ce sera le 20 novembre. Si nous ne nous étions pas manifestés, tes cendres auraient été répandues dans le jardin du souvenir du Père-Lachaise. Inimaginable.
Nous patientons dans une salle ouverte. Quelques chaises en plastique, alignées, de couleur marron assez moche. Très moche même. Comme ce lieu. Une table basse avec quelques revues. Qui pourrait bien avoir l’idée de feuilleter une revue en de tels instants. Mais après tout… pourquoi pas. Devant nous, des familles, des amis, attendent la cérémonie de crémation d’un proche. Étrange contraste. Je les regarde et je ne peux m’empêcher d’essayer d’imager de qui ils ont été séparés. Un enfant ? Non. Les visages sont graves mais certains esquissent des sourires, se tapent dans le dos, s’embrassent chaleureusement mais sans effusion. Cela ne peut être un enfant […]
Jour 1310
Patmos. Dans 3 jours tu fêterais tes 25 ans…
Aujourd’hui plus de 3 années ont passé, avec la sensation malgré tout d’avoir avancé. Je suis là, à Patmos, face à la mer. La mer à perte de vue. Sur cette île de la sérénité. Le paysage est grandiose. D’une beauté exceptionnelle. Les larmes viennent. Je les laisse s’échapper. Encore et encore accompagnées par la musique. Salutaire. Apaisante. Cicatrisante. En ce moment c’est le morceau Ghosts du groupe Banners. Il fait partie de la playlist commencée avant le départ de Loulou et poursuivie jusqu’à aujourd’hui.
Patmos. Car c’est ici sur cette île que Loulou a été conçu. En 1995. J’étais venue avec Noël qui était en reportage pour le Figaro-Magazine avec Jean-Claude. Cette année-là étaient célébrées à Patmos les 1900 ans de l’Apocalypse selon Saint Jean.
8 mois plus tard Loulou naissait […]
Jour 1310
Patmos. Dans 3 jours tu fêterais tes 25 ans…
Aujourd’hui plus de 3 années ont passé, avec la sensation malgré tout d’avoir avancé. Je suis là, à Patmos, face à la mer. La mer à perte de vue. Sur cette île de la sérénité. Le paysage est grandiose. D’une beauté exceptionnelle. Les larmes viennent. Je les laisse s’échapper. Encore et encore accompagnées par la musique. Salutaire. Apaisante. Cicatrisante. En ce moment c’est le morceau Ghosts du groupe Banners. Il fait partie de la playlist commencée avant le départ de Loulou et poursuivie jusqu’à aujourd’hui.
Patmos. Car c’est ici sur cette île que Loulou a été conçu. En 1995. J’étais venue avec Noël qui était en reportage pour le Figaro-Magazine avec Jean-Claude. Cette année-là étaient célébrées à Patmos les 1900 ans de l’Apocalypse selon Saint Jean.
8 mois plus tard Loulou naissait […]