Jour 1310
Patmos. Dans 3 jours tu fêterais tes 25 ans…
Aujourd’hui plus de 3 années ont passé, avec la sensation malgré tout d’avoir avancé. Je suis là, à Patmos, face à la mer. La mer à perte de vue. Sur cette île de la sérénité. Le paysage est grandiose. D’une beauté exceptionnelle. Les larmes viennent. Je les laisse s’échapper. Encore et encore accompagnées par la musique. Salutaire. Apaisante. Cicatrisante. En ce moment c’est le morceau Ghosts du groupe Banners. Il fait partie de la playlist commencée avant le départ de Loulou et poursuivie jusqu’à aujourd’hui.
Patmos. Car c’est ici sur cette île que Loulou a été conçu. En 1995. Noël, que j’avais rejoint, était en reportage pour le Figaro-Magazine avec Jean-Claude G. Cette année-là étaient célébrées à Patmos les 1900 ans de l’Apocalypse selon Saint Jean (….)
8 mois plus tard Loulou naissait. Un mois d’avance. Trop pressé de découvrir le monde. Et je suis là face à ce paysage époustouflant. Dans 3 jours, ce 31 mai, tu aurais 25 ans. Comme tu as été trop pressé de venir, tu es parti sans attendre de voir, de découvrir le reste du monde. C’est avec mes yeux, comme je te le proposais au tout début de ces écrits, que je partage ces instants avec toi.
Venir ici à Patmos pour symboliser un passage
Pour passer la porte
Une porte qui mène à un ailleurs
Passer mais ne pas fermer cette porte
Achever ce livre
Ces mots suspendus depuis tous ces mois et auxquels je n’arrive pas à trouver de fin
Pour quelle raison ? Peut-être qu’il est doux d’imaginer qu’à travers ces mots glissés de temps à autre sur les pages de ta vie, de nos vies, ce sont toujours des instants de plus, passés, partagés avec toi. Mais j’ai aussi cette sensation de m’accrocher à toi. De refuser de te laisser partir. Cela me rappelle cette fois où, presque une année après ton départ, j’étais avec Marlène, ta nounou avec qui tu as passé les 3 premières années, et je lui demandais ce qu’elle souhaitait garder de toi mon Lou. Elle m’a dit qu’elle voulait une de tes chemises. Elle qui s’était occupée de toi et Gengis et de l’intendance de la maison jusqu’à tout récemment encore. La demande de Marlène n’était pas innocente. Je n’arrivais pas à me résoudre à sortir tes affaires, tes vêtements de ton studio. Marlène m’a encouragé à le faire. C’est important me dit-elle, car en laissant tout à sa place c’est comme si je t’enfermais là. Ici, dans cette vie. Comme si je refusais de te laisser partir. Et ce n’était pas bien pour toi. Cela m’a glacé le sang. Mais au fond de moi je savais qu’elle avait raison. À travers ce livre, je vis ici, le même processus. Je suis si bien avec toi à remuer les mots, les phrases, les souvenirs qui s’accrochent à ces lignes. Mais j’ai aussi la sensation de t’enfermer dans ces milliers de petites lettres qui se jouent de nos vies d’avant. Qui recomposent celles d’aujourd’hui et qui tente de percer le mystère de celles de demain. Patmos marquera le tout début de ta vie.
Patmos marquera une autre étape. Cette partie de vie qui dansera dans ce livre. Mais en aucun cas cela ne marquera la fin. Tout le reste va se jouer sur une autre portée. […]
[…] Seul l’amour traverse et se moque des soubresauts, des drames de la vie.
L’amour est là mon Lou. Incommensurable et infini. Au-delà de la vague, au-delà de chacune d’entre elles… de toutes les vagues…
Passe en cet instant, le morceau Dear Ben de Loyle Carner and Jean Coyle Larner. C’est l’histoire d’une mère qui raconte qu’elle perd un peu son fils car il part vivre avec son amoureuse…
Mon lou, face à l’immensité bleue, la caresse du vent, si doux alors que j’écris ces mots, me rappelle que ton amoureuse, est, elle, aujourd’hui, là, devant moi. Partout où l’on ira, sur toutes les mers et tous les océans du monde, vous serez là, toi et ton amoureuse. […]